Elle arbore fièrement des couleurs vives et une silhouette pointue à l’avant comme à l’arrière, mesure entre 4 et 9 mètres. Qui est-elle ? Ce n’est certainement pas un poisson exotique mais bien une « barquette marseillaise », emblème flottant du littoral provençal. Au Port-Vieux de La Ciotat, elles dansent doucement au rythme des vagues tout le long du quai Général De Gaulle et en bout des pannes 100, 200 et 300 pour le plus grand plaisir des promeneurs ciotadens et des touristes. Leur présence colorée et élégante témoigne d’un savoir-faire méditerranéen ancestral.
On compte environ 120 barquettes marseillaises dans le port de La Ciotat, ce qui en fait l’un des plus grands ports d’accueil de ces bateaux dans les Bouches-du-Rhône, après Marseille. Il est intéressant de rappeler que Jules Vence, ingénieur maritime ciotaden, déjà reconnu pour ses travaux aux Messageries Maritimes, a publié en 1897 un premier plan de formes de la barquette Marseillaise. Ces bateaux de travail dont l’origine remontent à l’antiquité mais sa généralisation au XIXᵉ siècle étaient destinés à la pêche. Selon les régions de Provence, on les appelle aussi les « pointus ».
Mais d’où vient cette forme si particulière ? Avant l’apparition des moteurs, les pêcheurs se déplaçaient à la rame ou à la voile. La proue et la poupe pointues offraient une meilleure manœuvrabilité en cassant la vague plus facilement : le bateau pouvait avancer ou reculer avec la même aisance, ce qui facilitait la navigabilité dans les eaux parfois agitées et le ramassage des filets.
Dans le port de La Ciotat, on distingue principalement trois types de barquettes marseillaises :
- celles dotées d’un pont à caisson, intégrant des coffres de maintenance pratiques,
- celles conservant leur gréement traditionnel avec des voiles latines, fidèles à l’esprit d’origine,
- et enfin, certaines ont été légèrement transformées, avec des ponts lattés pensés pour la plaisance et le farniente.
Entièrement construite en bois, la barquette marseillaise demande un entretien constant, car ce matériau se dégrade rapidement. À chaque carénage, c’est la surprise, fissures, parasites ou calfat détérioré, les risques sont nombreux si l’entretien n’est pas fait régulièrement.
Pierre du Chaffaut est le propriétaire du Saint Jean, une barquette marseillaise de 7,58 mètres de long pour 1,3 tonne, construite en 1958. Il l’a acquise il y a vingt ans, et depuis, elle l’accompagne pour des balades en mer et la pêche. Son bateau a la particularité d’être équipée d’une cabine, un confort rare pour ce type d’embarcation traditionnelle.
« C’est mon père, pêcheur amateur, qui m’a transmis cette passion. Lorsque j’étais jeune, on partait ensemble avec un ami dans les calanques. On y passait la nuit, pour moi c’était comme vivre deux jours en mode Robinson Crusoé. », confie-t-il. « Aujourd’hui, je pêche de moins en moins, mais j’aime toujours naviguer du côté de Cassis. La barquette marseillaise permet une navigation paisible et cela me « vide la tête ». C’est un plaisir que je savoure seul ou avec mes petits-enfants.»
Au-delà de l’attachement personnel, Pierre souligne l’esprit de camaraderie et la convivialité qui règnent entre les propriétaires. « On se connait tous, on se salue toujours et lorsque l’un est en panne on va l’aider ».
Jean-Luc Ledys, Président des Calfats, ajoute :
« La population de plaisanciers propriétaires de barquettes a évolué. Autrefois majoritairement détenues par des personnes âgées, ces embarcations demandent un entretien régulier et ont donc progressivement été transmises ou revendues à une nouvelle génération de passionnés, plus jeunes et actifs. Et puis on participe à maintenir le métier de charpentier marine. »
Créée en 2012, l’association Calfats poursuit trois objectifs principaux : mutualiser les compétences et les ressources des propriétaires de barquettes (et de quelques voiliers), valoriser ce patrimoine auprès du grand public et transmettre la passion aux curieux. Tout au long de l’année, elle organise diverses journées de découverte pour les enfants, les touristes et les personnes à mobilité réduite. Parmi les rendez-vous phares : les Barquettes en folies, la Fête de la musique ou encore Navig’Arts, sans oublier les traditionnelles illuminations de fin d’année !